Dans le magazine
200 n° 10 (automne 2016), le philosophe cycliste Yann Kerninon est l'auteur d'une chronique (p. 132) ; il explique admirablement ce qui
nous pousse à pédaler.
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La poésie rassérénante d'une brume matinale au détour d'un sous-bois. |
Voici un extrait de son article, reproduit avec l'accord de l'auteur : "
Je soupçonne les cyclistes de rouler pour échapper à quelque chose. Et avant tout à la banalité du réel tel qu'il est et au désespoir que cela suppose. Le monde est plat, terne, triste, brutal, vulgaire et froid. Souvent. presque toujours. L'actualité est désespérante. Sur la nature humaine, il y a tous les jours de quoi avoir de sérieux doutes. Alors nous prenons notre vélo avec l'espoir naïf de retrouver notre enfance, l'innocence originelle de nos premiers coups de pédale fascinés, avec l'envie de se prendre une nouvelle fois pour Anquetil, Hinault ou Merckx ou juste de se retrouver un peu soi-même. Nous espérons croiser en chemin quelque chose que nous connaissons et qui nous manque : la poésie rassérénante d'une brume matinale au détour d'un sous-bois, l'odeur de l'asphalte légèrement humide, un revêtement lisse comme du billard sur une route sans automobiles, une ascension irréelle à travers les nuages, un chevreuil qui file à nos côtés... Nous voulons à nouveau le miracle. Nous voulons ce moment où nous ne sommes rien d'autres qu'absolument vivant. A vélo, nous voulons que la vie cesse enfin d'être nulle."
Rendez-vous sur son site :
yannkerninon.com