1 juin 2016

Tour de Rance 2016 : en rando dans la roue de Bernard Hinault

Le patron, ici, c'est lui : Bernard Hinault. Couvert de son ancien maillot en tricot bleu-blanc-rouge, le Blaireau a conduit le peloton du troisième Tour de Rance vintage. Plus de 400 passionnés du cyclisme des années casquette-laine-cuir-acier, comme moi, ont suivi le grand champion, le 29 mai 2016, sur les routes de son fief, autour de Dinan.

Cette randonnée est un spectacle. Pour les piétons, d'abord. Postés sur les bas-cotés ou aux fenêtres, les villageois nous applaudissent. Ils en ont pour les yeux, avec nos maillots multicolores aux couleurs d'apéritifs, crèmes glacées et marques de cycles, mais aussi pour les oreilles : une quatre-chevaux crachote un air d'accordéon et des vieilles réclames. Elle fait partie de la caravane de véhicules publicitaires et de motocyclettes d'époque. Précédant le peloton, la Peugeot 604 rouge du directeur de course. Debout émergeant du toit ouvrant, l'ancien coureur Loïc Le Bouhis (équipe Gitane 1972), en costume colonial, imite Jacques Goddet, le directeur du Tour de France de 1936 à 1986.

A la pause, de l'eau. Pas d'apéritif !
Musée sur roues
La randonnée est aussi un spectacle pour nous, les cyclistes. Nous sommes un musée sur roues : jerseys Tricots du rocher, chaussures de cuir Patrick, casques à boudins, cuissards en laine... Image magnifique que ce paquet multicolore qui serpente à travers les Côtes d'Armor. "On ne voit jamais cela le dimanche matin !", plaisante-t-on. En 2016, la tenue cycliste est plutôt noire.

Côté casquettes, une rareté, aperçue dans le peloton : un modèle jaune Le Coq sportif (qui distinguait la meilleure équipe au classement au temps), porté par un homme en maillot Renault. "Il faudrait les refabriquer, ainsi que les vertes Michelin [NDLR : casquettes désignant la meilleure équipe au classement par points]", soupire un Brestois sur un Gitane en impeccable.

Chacun a un coup d'oeil sur son voisin de route et sur sa machine. Vous voulez faire plaisir à un participant ? Complimentez-le sur son vélo. Alors, la conversation s'engagera autour des bonnes trouvailles, tel ce vélo acheté en parfait état à un ancien qui le stockait dans son garage.

Comme lors des autres sorties "vintage" (Anjou Vélo Vintage, La Patrimoine...) l'ambiance est détendue. Vous n'êtes pas là pour montrer que vous avez le plus beau vélo et la plus belle tenue : vous êtes venu admirer ceux des autres, votre propre tenue n'étant finalement qu'un prétexte à engager une conversation entre connaisseurs. Le rassemblement est néanmoins ouvert, puisqu'il compte aussi des adolescents et des enfants d'une dizaine d'années.

Une randonnée en hommage à Anquetil.
L'intérêt d'un tel rassemblement est aussi de pouvoir approcher des ex-coureurs, des champions. Le moment idéal ? les pauses de ravitaillement. Accompagnant mon ami Pierre Tosi, coureur professionnel de 1972 à 1977, je m'approche de Bernard Hinault. Les deux sportifs ont couru quelques fois ensemble. J'organise une séance photo express. B. Hinault est très sollicité ; d'autres cyclistes aux jambes rasées souhaitent aussi photographier la vedette. Un moment tout aussi impressionnant : s'approcher de Joop Zoetemelk, adversaire d'Hinault en course, mais aussi son grand ami. "Lors de votre victoire au championnat du monde en 1980, au moment de passer la ligne, à quoi pensiez-vous ?" lui demande un admirateur. "Il ne faut pas penser, il faut faire", sourit Joop en roulant les "r".

Observer
Lorsque je me trouve près d'un ex-coureur professionnel, j'observe quatre éléments.
- Un : le visage du coureur. Est-ce bien lui ? Un sourire franc ? une mâchoire volontaire ? C'est bien Bernard Hinault.
- Deux : la tenue du coureur. Joop Zoetemelk est en maillot Raleigh à manches longues, avec quelques accros témoins des kilomètres parcourus. Christian Levavasseur porte son maillot Miko-Mercier et une très rare casquette d'époque. Certains coureurs sont équipés de maillots refabriqués. Ils ne rentrent plus dans leurs vieux jerseys ? Ils les ont égarés ?
- Trois : le vélo du coureur. Joop pédale sur son Mercier (avec quelques points de rouille), Bernard Hinault sur son vélo Hinault gris de 1986.
- Quatre : les jambes du coureur. Elles ont poussé et tiré les pédales, fait souffrir. Ses cannes ont écrit l'histoire du coureur. Jacques Bossis, de retour de la Côte d'Azur, a les jambes bronzées, les muscles saillants. Celles de Bernard Hinault sont encore pâles, un peu plus massives. J'imagine leur puissance, que le Breton entretient. Remonté sur le vélo en 2007, il me dit parcourir "6 000 à 8 000 kilomètres par an".

A l'arrivée, vers cinq heures de l'après-midi, nous aurons roulé environ 80 kilomètres, à une vitesse moyenne de 20 km/h.



LES BONS POINTS DE LA RANDONNÉE :
- Allure modérée pour les moins costauds : tout le monde arrive en groupe.
- Rouler aux côtés d'ex-professionnels sympathiques.
- Une équipe de sécurité rassurante : motocyclistes, bénévoles postés aux carrefours...
- Peu de circulation automobile.
- Une partie des recettes reversée pour la lutte contre le cancer (via l'association Souffles d'espoir).
- Un bidon reçu avec la musette.


LES POINTS A DISCUTER :
- Des pauses un peu longues.
- Une allure de facteur pour les plus costauds (tassement dans les bosses).


Lire aussi : Tour de Rance 2016 : Bernard Hinault joue le jeu du "vintage"

Albums photos Facebook du Tour de Rance Vintage :  

B. Hinault à P. Tosi : "Il te gratte ton maillot ?"
(Tour de Rance 2016).

B. Hinault, 62 ans, la socquette légère.
Pédales Look PP 65 d'époque (Tour de Rance 2016)

J. Bossis, les jambes bronzées
(Tour de Rance 2016).

Au bonheur des damiers (Tour de Rance 2016).
Ravito sur le Tour de Rance 2016.

P. Tosi et J. Zoetemelk, ex-coéquipiers
chez Gitane-Frigécrème (Tour de Rance 2016).

Course à la musette (Tour de Rance 2016).
Du vin dans les bidons ! (Tour de Rance 2016).
Vélos Guido Neri (Tour de Rance 2016).