"La piste est un tissu social", affirme Henri, cycliste de 71 ans. Il tourne chaque matin sur son fief, l'anneau cyclable du bois de Vincennes. Le gardien, le concierge de la piste, c'est lui. Il connaît tout le monde. Dans son accent pyrénéen, il me présente ses compagnons. "Tu connais Jagne-Yves ?" Jean-Yves, 74 ans, scientifique rustique, sans casque comme Henri, mais chaussé de brodequins de randonnée (contre le froid), qui abat ses kilomètres par tous les temps.
Nous rattrapons Rufino, petit espagnol de 85 ans qui fait des écarts, un Robic à moustaches sur son cycle à jantes dépareillées (une jaune, une grise).
Selon Henri, le doyen de la piste aurait 89 ans et roule l'après-midi. Comme Daniel, 72 ans, ex-professeur d'anglais à la Sorbonne, qui courut jadis avec Fignon en amateur. Plus jeune, le recordman du kilométrage sur cet anneau, c'est certainement Michel, postier, qui parcoure 20.000 km par an.
"Ce sont des guerriers", sourit Bernard, 56 ans, lui aussi habitué de la piste, affûté, sur son vélo gravel.
Rouler seul sur l'anneau du polygone, c'est parfois monotone. Mais avec ces compagnons, la sortie a un air de café de village, et c'est convivial.
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