Six heures trente du matin. Je suis le premier client dans la salle à manger de l'hôtel, à Dieppe. Je remplis mon estomac (céréales, viande, oeufs brouillés et fruits) et les poches de mon maillot de cycliste (pêche, banane, abricots). Au programme : cent kilomètres pour atteindre Rouen.
La nature plus forte. LE VELOMANE VINTAGE |
Sept heures trente. Je roule seul sur l'Avenue Verte London-Paris, soit trente six kilomètres jusqu'à Neufchâtel-en-Bray, avec le vent de face. Le soleil teinte de vert clair les prés, dans lesquels des vaches Holstein sont parsemées. Un paysage de boîte de camembert. A un croisement, une demeure à colombages de laquelle sort un vieillard à l'énorme moustache blanche ; il répond à mon salut par un sourire. A deux-mille-cinq-cents kilomètres de la guerre en Ukraine, la vie est paisible en Seine-Maritime.
A Neufchâtel-en-Bray, pose banane. Je quitte l'Avenue Verte pour la D 1, large route gravillonneuse. Bien que peu de voitures y circulent – c'est dimanche –, je préfère troquer cette voie contre de petites routes champêtres.
A Buchy, commune libérée par les Canadiens en août 1944, je pique-nique en face des halles où se tient une brocante. J'achète une tablette de chocolat noir, dont le goût fort, avec le café, me manque.
Dans la chaleur de la mi-journée, j'atteins Blainville-Crevon. Attenant à la salle des fêtes, j'aperçois une cuisine où s'affaire un homme. Accueillant, il remplit mon bidon et m'encourage. Ce genre de rencontre, ces quelques secondes d'aide, de conversation rendent le voyage si agréable et confirment que l'Homme est bon.
La route vers Ry, qui longe le Crevon, sous-affluent de la Seine, est magnifique. Creusant les prés et les bois, la départementale 12 avance lentement comme un serpent.
Ry : commune dont Flaubert se serait inspiré pour Madame Bovary. Moeurs de province. La rue principale, comme dans un western, est déserte. Au bout, non pas un "general store", mais une droguerie... Ce nom est encore employé ?
Rendez-vous manqué
Préaux, puis Darnetal et les faubourgs de Rouen. J'achète deux tartelettes et une boîte de Perrier que j'ingurgiterai après mon rendez-vous. J'ai rendez-vous avec la stèle du coureur cycliste Jean Robic, sur la côte de Bonsecours. Hélas, je prends la route dans le mauvais sens, celui de la descente. Je rate la stèle ! Pas de le temps de faire demi-tour (mon train à prendre) et de grimper là où Biquet s'envola pour remporter le Tour 1947. Cette côte de Bonsecours que mon père, au début des années 1950, gravit lors d'une virée Paris-Le Havre-Paris avec son cousin Marco.
J'ai manqué un rendez-vous, mais j'ai pensé à nos anciens cyclistes*. Je leur dédie mon voyage.
* Robic, Papa, son père et aussi Piero.
Lire aussi :
Invitation à voyager. LE VELOMANE VINTAGE |
Ry, la vie à l'heure de Flaubert. LE VELOMANE VINTAGE |
Ry, comme au Far West. LE VELOMANE VINTAGE |
Liberté ! LE VELOMANE VINTAGE |
L'Avenue Verte London-Paris. LE VELOMANE VINTAGE |