24 mars 2020

Coronavirus : sorties à vélo quasi impossibles et sanctions durcies

Afin de faire respecter le confinement, propre à limiter la propagation du Covid-19, le Gouvernement et le Parlement ont publié aujourd'hui deux nouveaux textes. Ces derniers concernent, entre autres citoyens, les cyclistes (hors du cadre d'un trajet professionnel), les joggeurs et autres adeptes de sports individuels. Ils sont applicables dès aujourd'hui.

Une heure, dans un rayon d'un kilomètre
Le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 précise le motif de déplacement pour "activité physique individuelle", dérogatoire au confinement, à l'origine défini par un décret du 16 mars. Il s'agit désormais des "déplacements brefs, dans la limite d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile, liés (...) à l'activité physique individuelle des personnes, à l'exclusion de toute pratique sportive collective et de toute proximité avec d'autres personnes"(1). Ce texte n'interdit pas expressément la pratique du cyclisme de loisir, mais il la rend quasi impossible de fait : il paraît peu envisageable pour un coursier de s'exercer dans un rayon d'un kilomètre autour de chez soi, sauf à tourner comme un hamster sur une piste de stade, autour du pâté de maisons, dans un petit bois… En revanche, se détendre en balade, pourquoi pas, même si le risque de chute et de solliciter les services d'urgences demeure ; d'où la recommandation sensée : "roulez chez vous", comme le préconise la Fédération française de cyclisme. La durée maximale d'une heure, qui met un terme aux sorties éloignées, est – à ma surprise – amplement suffisante pour un petit tour à bicyclette ou un running en circuit court, d'autant que ces escapades sont autorisées une fois par jour. Il conviendra d'inscrire sur son autorisation de déplacement dérogatoire l'heure de départ pour permettre aux forces de l'ordre de contrôler le bon respect de la durée maximale réglementaire. Le texte est donc assez peu restrictif, hormis l'interdiction de circuler près "d'autres personnes". Car attention aux sanctions !

Jusqu'à 1 500 euros d'amende
La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 sur l'état d'urgence sanitaire renforce les sanctions pour non-respect du confinement. La balade à vélo, bien que non prohibée, devient risquée. La violation des interdictions et obligations liée au confinement (non-respect des règles de déplacement énoncées plus haut, défaut d'attestation de déplacement, etc.) est punie d’une amende forfaitaire de 135 euros (majorée à 375 euros en cas de non-paiement dans les quatre-vingt-dix jours(2), ou dans les cent vingt jours(2) si paiement par téléprocédure). Notons que cette peine, applicable aux contraventions de quatrième classe, était déjà prévue par un décret du 17 mars. En cas de récidive dans les quinze jours, nouveauté : l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Fixée par le juge, elle peut atteindre 1 500 euros.

La police municipale compétente
Policier et cycliste coronavirus
Rester confiné, le sort du coureur. 
(LE VELOMANE VINTAGE)
Ces infractions peuvent être constatées par la police nationale et la gendarmerie nationale, mais aussi par la police municipale, les gardes champêtres (vététistes et gravelistes, attention !) et, à Paris, par les agents de la ville de Paris, les contrôleurs de la préfecture de Police et les agents de surveillance de Paris.

Emprisonnement
Si les violations se répètent plus de trois fois en trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende, ainsi que d’une peine complémentaire de travail d’intérêt général. Si l'infraction est commise à l'aide d'un véhicule (pour transporter son vélo jusqu'à un lieu d'entraînement, par exemple), le conducteur encourt alors jusqu'à trois ans de suspension de permis.

Comparution immédiate
S'agissant des six mois d'emprisonnement, Me Pierre de Combles de Nayves, avocat au barreau de Paris, observe dans un article paru sur dalloz-actualité.fr que "(...) c’est le seuil minimal justifiant la procédure de comparution immédiate en flagrant délit. Ce n’est pas une hypothèse théorique. Dans la présentation de son amendement, le gouvernement note la possibilité de recourir à la comparution immédiate. (…) Il suffirait qu’une personne ne remplisse pas, ou remplisse mal, ou que les fonctionnaires de police estiment qu’elle a mal rempli son attestation justifiant sa sortie du domicile pour qu’elle puisse être placée en garde à vue, présentée devant un tribunal sur-le-champ et fasse l’objet d’une incarcération." Cette disposition porte, selon l'avocat, atteinte à un principe du droit pénal : la nécessité et la proportionnalité des peines.

Ces mesures sont applicables durant l'état d'urgence sanitaire, fixé pour deux mois, jusqu'au 24 mai 2020 à 0 heures (prorogation possible par une loi). Un décret pourra y mettre fin avant.

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Article mis à jour le 21 avril 2020.

(1) Autre déplacement autorisé, d'une heure au plus par jour, dans un rayon d'un kilomètre : "la promenade avec les seules personnes regroupées dans un même domicile". Cela inclut-il la courte sortie à bicyclette en famille ? C'est possible, si l'on considère que la "promenade" ne se limite pas au déplacement pédestre, comme en attestent les exemples du Grand Robert de la langue française : se promener à cheval, en voiture, en barque, en bateau, en canot. Le dictionnaire ne cite toutefois pas le vélo.
(2) Les délais habituels ont été doublés par l'ordonnance n° 2020-330 du 25 mars 2020.