Trois mille six-cent kilomètres autour de l'Espagne et du Portugal, en cinq semaines, en mai-juin 2019 : Delphine Ledue a bouclé son premier voyage à vélo presque toute seule, presque sans entraînement. Le rire facile, enchaînant les cigarettes – Anquetil ne fumait-il pas aussi, parfois ? –, elle me raconte son périple. Elle parcourt les mille premières bornes avec son mari, qui doit quitter la route pour reprendre le travail. "
En guise de préparation, nous avions juste un cent kilomètres du Classic Challenge dans les jambes, et quelques sorties l'été", précise Delphine.
Besoin de s'aérer
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"A chaque fois, je parvenais
à terminer l'étape." (photo : D. Ledue). |
Qu'est-ce qui pousse une jeune femme de trente-six ans à partir sur ces routes inconnues ? "
J'avais besoin de m'aérer, avant un déménagement en province et un nouveau projet professionnel. Le vélo, c'est un moyen de réfléchir." Delphine observe que, depuis son voyage, elle est plus calme : "
J'ai appris à relativiser, à accepter les obstacles. J'étais parfois à bout, il faisait très chaud, devant une bosse à gravir, avec des dizaines de kilomètres à parcourir avant la fin d'étape ; pourtant, à chaque fois, je parvenais à terminer l'étape. Je suis revenue avec plus de confiance en moi."
Le désert en cadeau d'anniversaire
La récompense quotidienne, c'est l'arrivée, le soir, à l'hôtel ou au spa. Un petit verre et des discussions avec les touristes ou les autochtones, qui proposent le gîte pour de futures vacances en famille… Le bien-être est là, les endorphines font effet. Un aussi long voyage seule, c'est aussi de la fierté. "
J'ai atteint un de mes objectifs, sourit Delphine :
gagner le désert le jour de mon anniversaire." Sur la route, elle éprouve une seule frustration : ne pas pouvoir partager avec ses proches la vue qu'elle a sur le paysage.
Fairlight Strael
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Les pneus de 33 mm ont suffi (photo : D. Ledue) |
Côté matériel, la Parisienne a piloté un Fairlight Strael de 9 kg (cadre en acier, fourche en carbone, freins à disques), vélo de route transformé en "gravel". Elle l'a acheté sur Troc-vélo 1.700 euros. "
Une affaire pour cette Rolls", dit Delphine, qui l'a juste équipé de quelques sacoches (cintre, cadre, selle) et deux bidons (950 et 550 cl). La cycliste portait une montre connectée et se servait de son smartphone comme GPS, avec une batterie rechargeable. Sur les routes au mauvais revêtement et les chemins, les pneus de 33 mm ont suffit, jusqu'à ce que l'un deux soit troué. "
J'ai pris le départ avec des pneus usés. J'aurais dû partir avec un train neuf ." Toutefois, la seule crevaison eut lieu à Paris sur l'Ile de la Cité, en allant prendre le train ! Les deux autres avaries ont touché un câble de dérailleur arrière et des plaquettes de freins.
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Rester vigilante (photo : D. Ledue). |
Au final, peu de mauvais moments. Un fermier, dans l'Alentejo, au Portugal, refusa de donner de l'eau à Delphine. Heureusement, une fontaine se trouvait un peu plus loin. "
Tu peux aussi avoir un coup de barre après avoir fait cent kilomètres pour atteindre le désert, alors qu'il faut en faire trente dedans et trente de plus en en sortant. Tu vois le soleil descendre à l'horizon, tu es fatiguée et tu commences à faire des écarts. Il faut rester vigilante."
Seule durant cinq semaines sur deux roues, Delphine se demande parfois si elle ne devient pas sauvage, car elle ne communique plus (hormis au téléphone) avec son entourage. Serait-ce cela, la
fièvre du vélo ?
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"On emporte souvent trop". (photo : D. Ledue). |
3 conseils de Delphine aux apprentis randonneurs :
- Ne pas se projeter : cela ne se passe jamais comme tu veux.
- Éviter la surcharge : on emporte souvent trop, comme le sac de couchage alors que l'on sait que l'on couchera à l'hôtel.
- Se nourrir : avec la chaleur, l'appétit diminue. "Les barres de céréales, ça passe bien", a testé Delphine.
Les indispensables objets de Delphine :
- Sa casquette.
- La crème solaire.
- L'huile au téflon.